
A nos pères en poésie

Je vous pleure, ô mes pères !
Je viens me recueillir sur vos tombes de marbre.
Puis-je seulement soulager votre mort ?
Vous qui ne deviez jamais mourir !
En chercheur d'or, en quête d'éternel,
J'époussette vos noms couverts du sang de l'oubli.
Je suis bien humblement un paléontologue
De vos mots sans frontière...

En disciple, en sujet, en serviteur,
Je lave doucement les plaies de vos trésors.
Je sais que sous la terre, vos doigts
Et vos lèvres brillent !
Allons, debout mes frères !
Vous réclamez-vous d'un pays
Dont vous niez l'histoire ?
O belle pantomime de mots dérisoires !

Je vous pleure, ô mes pères !
Vos descendants sont sourds à vos appels...
Alors, comment pouvoir parler ?
Je viens fleurir vos tombes désolées...
Mes pères, mes passions, mes premières amours,
Puis-je seulement soulager votre mort ?
Vous qui ne deviez jamais mourir !
Laissez-moi dire vos noms immortels :
Ma voix se perd.
PlumeCassez

Je te donne ces vers afin que si mon nom
Je te donne ces vers afin que si mon nom
Aborde heureusement aux époques lointaines,
Et fait rêver un soir les cervelles humaines,
Vaisseau favorisé par un grand aquilon,
Ta mémoire, pareille aux fables incertaines,
Fatigue le lecteur ainsi qu'un tympanon,
Et par un fraternel et mystique chaînon
Reste comme pendue à mes rimes hautaines;
Etre maudit à qui, de l'abîme profond
Jusqu'au plus haut du ciel, rien, hors moi, ne répond!
- O toi qui, comme une ombre à la trace éphémère,
Foules d'un pied léger et d'un regard serein
Les stupides mortels qui t'ont jugée amère,
Statue aux yeux de jais, grand ange au front d'airain!
Charles Baudelaire

Extrait de fonction du poète
Hélas ! hélas ! dit le poëte,
J'ai l'amour des eaux et des bois;
Ma meilleure pensée est faite
De ce que murmure leur voix.
La création est sans haine.
Là, point d'obstacle et point de chaîne.
Les prés, les monts, sont bienfaisants;
Les soleils m'expliquent les roses;
Dans la sérénité des choses
Mon âme rayonne en tous sens.
Je vous aime, ô sainte nature !
Je voudrais m'absorber en vous;
Mais dans ce siècle d'aventure
Chacun, hélas ! se doit à tous !
Toute pensée est une force.
Dieu fit la sève pour l'écorce,
Pour l'oiseau les rameaux fleuris,
Le ruisseau pour l'herbe des plaines,
Pour les bouches les coupes pleines,
Et le penseur pour les esprits !
Victor Hugo

"La poésie n'a pas d'autre but qu'elle-même." [Charles Baudelaire]
"Faire de la poésie, c'est se confesser." [Friedrich Klopstock]
"Un poète doit laisser des traces de son passage, non des preuves. Seules les traces font rêver." [René Char]
"Je sais que la poésie est indispensable, mais je ne sais pas à quoi." [Jean Cocteau]